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L’Odyssée dans le Grand Nord (et partout ailleurs)

J’ai un grand intérêt pour les théories récentistes, dont la plus radicale est celle portée par l’école russe autour d’Anatoli Fomenko. Il fait commencer l’histoire connue du monde après l’an mille, avec un Christ crucifié à Byzance au 11ème ou 12ème siècle. Fomenko a une base de travail statistique très solide, mais quand il s’agit de s’accorder sur les détails il joue un peu à la devinette. Ce genre de théories radicales s’accommode fort bien de déplacements géographiques importants.

D’autres auteurs partent de transpositions géographiques. Ils sont a contrario beaucoup plus respectueux des chronologies établies.

Imad Jacob Wilkens « Where Troy Once Stood » et Felice Vinci « The Baltic origins of Homer’s Epic Tales » proposent que les événements de la guerre de Troie et du voyage d’Ulysse, contés par Homère, ont eu lieu dans le nord de l’Europe. Ils sont appuyés par bien d’autres auteurs qui osent une remarque en passant sur le caractère nordique de ces aventures, mais sans y consacrer une thèse entière.
Morten Alexander Joramo dans « The Homer Code » s’autorise à modifier un peu ses identifications de lieux. On lui donne le point pour l’ile d’Hyperion, la terre des Lestrygons et l’ile de Circé. On a plus de mal à lui accorder que Lemnos puisse être Heligoland, Hellas au sud de la Finlande et Troie en Angleterre. Il s’appuie sur le bouquin de Wilkens pour situer Troie en Angleterre, mais on sent bien qu’il ne le fait que parce qu’il a absolument envie que Hellas soit au sud de la Finlande. Or c’est précisément là que Vinci place la Troade.
Par ailleurs, si Lemnos était Heligoland, et la terre des Phéaciens l’ile d’à côté, qu’il aborde bien plus tard dans son récit, Homère aurait à nouveau fait mention de Lemnos.

Ces détails sont assez mineurs. Pour l’ensemble, je dis bravo à Felice Vinci, j’affirme que sa géographie est la bonne et qu’il faut lire son livre.
Nombreux sont les auteurs confirmant la théorie nordique. Bertrand Russel écrit ainsi : « les mycéniens étaient sans doute des conquérants parlant grec, dont l’aristocratie au moins était des envahisseurs blonds nordiques. » (Histoire de la philosophie occidentale).

Vinci fait bon usage des écrits de Plutarque, Tacite et Platon.
Tacite écrit dans la Germanie qu’Ulysse navigua dans les mers du Nord et visita les Germains. Les Germains pour Tacite englobent toute la Scandinavie.
Plutarque est encore plus explicite. Il écrit : « Ogygie [l’ile de la nymphe Calypso] est à cinq jours de navigation à l’ouest de l’ile de Bretagne. » Vinci propose d’identifier Ogygie avec l’île de Stora Dimun de l’archipel des Féroë.
Dans le Critias, Platon parle des « collines rondes » d’Athènes avait des collines rondes, alors qu’elle est entourée de montagnes. Il dit qu’à l’époque des « anciens athéniens » qui ont vaincu l’empire atlante, l’acropole était plus vaste, et allait jusqu’à l’Eridan et l’Ilissus. Il va de soi que l’acropole athénienne est circonscrite par la hauteur où elle est construite, et qu’en aucun cas, elle ne s’étend jusqu’au Pô, qu’on désigne aujourd’hui comme étant l’Eridan antique. Platon sait donc pertinemment qu’il ne parle pas de l’Athènes que nous connaissons. Mais comme il précise que les anciens athéniens ont occupé le même pays que lui-même, on peut aussi se demander si Platon lui-même est bien issu du monde méditerranéen.

Strabon, un géographe et un auteur censé être plus tardif, narre lui qu’on essaie de faire croire que les récits de l’Iliade et de l’Odyssée ont eu lieu dans l’est de la Méditerranée. Mais pour sa part, il n’y croit pas : le Péloponnèse d’Homère est une île ainsi qu’une vaste plaine et non une péninsule montagneuse ; la Crète et Rhodes ne sont pas non plus des îles ; l’île de Pharos est à une journée de navigation des côtes égyptiennes et non en face d’Alexandrie ; Pylos, Scheria, Dulichium sont introuvables dans le monde grec. Il ajoute à propos de Troie « ceci n’est pas le site de l’ancienne Ilion, et les troyens le savent bien », ce qui, au passage, signifie qu’il existait en son temps une Troie en Méditerranée dont nous avons aussi perdu l’emplacement.

Des ouvrages médiévaux sont également cités : ainsi Saxo Grammaticus dans sa Gesta Danorum datée du 12ème siècle dit que le roi des Danes alla conquérir l’Hellespont. Il mentionne des lieux typiquement « grecs » comme le Styx. Vinci renverse judicieusement l’original et la copie. C’est au nord qu’est l’original, au sud la copie.
L’Edda en prose du 13ème siècle, de Snorri Sturlusson, conte la légende de Ull l’archer dont la légende est peu ou prou identique à celle d’Ulysse.

Cependant, on remarquera que, partant d’un révisionnisme géographique, Vinci est d’une totale orthodoxie en ce qui concerne la chronologie. Il ne semble même pas connaître le courant important qui nie l’existence des Ages sombres de la Grèce. Dans la chronologie la plus courante, la guerre de Troie se termine au 12ème siècle BC, et rien ne se passe plus en Grèce jusqu’à ce que la société dorienne débarque dans le Péloponnèse au 8ème siècle BC. Cependant, Thucydide (par exemple) n’admet que quatre-vingt ans entre ces deux événements. Pour donner à ses achéens le temps de traverser l’Europe et de s’établir sur les bords de la Méditerranée, Vinci propose à rebours de reculer un peu plus la guerre de Troie, et propose une date en 1630 BC, la rendant ainsi contemporaine de la date supposée de l’éruption d’un supervolcan sur l’ile de Santorin.
C’est cette explosion gigantesque qui aurait conduit les achéens de la Baltique à quitter leurs rivages habituels pour se déplacer vers le sud et fonder la civilisation mycénienne, qui a conservé la trace de l’ancienne civilisation nordique en allant jusqu’à reprendre la toponymie nordique, recréant une Mycènes, une Argos, un Péloponnèse, etc. C’est une seconde explosion de Santorin, au 12ème siècle avant JC, qui aurait amené la fin de la civilisation mycénienne de Méditerranée, à la date où les historiens « classiques » placent donc la guerre de Troie. Il est au passage assez étonnant de mettre en avant un supervolcan de la Méditerranée pour expliquer que des habitants du grand nord s’installent à côté. S’il est vrai que l’impact d’une telle explosion est planétaire, les premiers à en souffrir sont certainement ses voisins immédiats. Si l’explication n’est pas unique, et que le volcanisme a très possiblement pu jouer un rôle dans les bouleversements de l’époque, je préfère donner le premier rôle à des bombardements cométaires, souvent évoqués en matière de théories catastrophistes.

Vinci va pourtant utiliser des comparaisons curieuses pour valider sa chronologie. Il admet qu’il n’existe aucune trace de quoi que ce soit datant du troisième millénaire dans le monde nordique, aucun texte scandinave avant l’an mille.
Il ne s’interroge pas sur le fait que ses sources les plus proches des événements qu’il décrit datent des 12ème et 13ème siècle AD. Et s’extasie devant la grande continuité culturelle des peuples du nord pendant près de trois millénaires, tant en ce qui concerne l’habitat, les vêtements, la forme des bateaux, les légendes locales !
Il dira même que les vikings ont très certainement emprunté les mêmes itinéraires autrefois empruntés par les divins achéens, via les grands fleuves d’Europe centrale et de Russie ; et que la société viking a bénéficié entre le 8ème et le 12ème siècle d’un optimum climatique assez comparable à celui dont avaient bénéficié au 3ème millénaire avant notre ère les fameux achéens ! Cela leur a ainsi permis de coloniser le Groënland (la Terre verte).

Homère comme Saxo Grammaticus décrit bien une société nordique, mais le premier nous parlerait huit siècles avant notre ère, huit cent ans après les événements, tandis que le second copie une histoire originale vieille de trois millénaires ! Tout en sachant la situer dans le bon environnement, alors que Strabon, dès le 1er siècle, commençait à ne plus trop savoir !

Ce décalage temporel s’explique. La grande continuité entre la culture des Germains de Tacite (1er siècle) et la société viking ne s’explique pas par le grand conservatisme des gens du nord. Anatoliy Fomenko avance des arguments monumentaux pour démontrer que la quasi-totalité des auteurs « classiques » grecs ou romains écrit au 13ème ou 14ème siècle. Des quasi contemporains de Grammaticus. Homère, lui, ne doit pas être beaucoup plus ancien.
Il n’y avait en effet aucune raison que la Renaissance se passionne tout à coup d’auteurs « antiques » dont on n’avait jamais entendu parler auparavant, ni ne remette la statuaire antique et les colonnades au goût du jour si cette époque n’était contemporaine ou tout juste antérieure.
Officiellement, les invasions des Vikings ont commencé au 9ème siècle. On se permettra de dire que si c’est la fin de l’optimum climatique médiéval qui les a conduits à migrer, les 12ème et 13ème siècles sont plus vraisemblables. D’ailleurs, Saxo grammaticus qui écrit putativement au 12ème siècle, ne mentionne pas de telles migrations.

Il est vraisemblable que la relocalisation de ces événements sur le pourtour méditerranéen est plus que tardive. Lorsque Vinci fait remarquer que la charte marine Olaus Magnus mentionne Horrenda caribdis (Charybde) à la place du maelström de Mosken au sud des îles Lofoten, il oublie de souligner que cette carte date du 16ème siècle ! Il cite au passage un écrivain du 18ème siècle (un certain Jonas Ramus) qui place encore Charybde à cet endroit.
Cependant la migration porte bien la signature des Vikings. On sait que les plus anciennes tombes de Mycènes, au style proche de celui des tombes vikings, ont contenu des artefacts en ambre, montrant par là-même un lien avec les côtes nord de l’Europe où l’ambre est produite. On y trouve aussi des casques à cornes et des crânes dolichocéphales de type « nordique ». Très rapidement, l’ambre disparaît des tombes de Mycènes. Ainsi la civilisation mycénienne est postérieure aux invasions vikings. La culture du Wessex (Stonehenge) qu’on a daté d’après des artefacts dits « mycéniens » à douze siècles avant notre ère est probablement d’origine saxonne, comme son nom d’ailleurs l’indique, mais des Saxons plus tardifs qu’on ne le pense d’ordinaire, du 12ème et pas du 5ème siècle.
Toutes les cultures ainsi datées du Bronze précoce en Allemagne (culture Unetige), en Russie du sud, en Hongrie sont très probablement à dater des invasions vikings.

Plutarque (14ème siècle ?) écrit « il y a des îles au-delà d’Ogygie, et au-delà la grand continent qui entoure l’Océan. Sa côte est habitée par des Grecs, le long d’un golfe au moins aussi grand que le lac Meotis [la mer d’Azov dans le monde méditerranéen, mais on suppose que Plutarque avait quelque chose de plus grand et plus nordique en tête]. Ces Grecs se font appeler Continentaux. »
On sait que les vikings de Leif Eiriksson ont colonisé le Vinland et le Groënland, et on peut suggérer que « Grecs » chez Plutarque peut être une déformation de Varègues, le peuple scandinave qui colonisa la Russie à partir du 9ème siècle (et sans doute un peu plus tard). En effet, le W germanique se transforme souvent en G dans les langues gauloises comme le sont les patois italiens. Vinci a montré que le W dans les langues germaniques s’écrit en vieux grec avec un digamma (et en latin par la lettre v), qui tombe dans le grec d’Homère ainsi que dans le grec classique, mais dont la présence se ressent toujours dans la métrique des vers de l’Iliade et de l’Odyssée par un allongement des syllabes.

En effet, Vinci s’autorise même à mettre en avant la continuité de la langue entre son troisième millénaire avant notre ère, et celle des Vikings. Les termes achéens, danaéens, argiens qui désignent les peuples qui assiègent Troie (‘Achaioi, Danaoi et ‘Argaioi) seraient des déformations subies en grec ionique-éolien par les mots Vikings, Danes, et Varègues. Nous avons conservé la trace du digamma dans nos langues occidentales, ce qui laisse supposer que la version de Homère est une version tardive.
En réalité, Vinci a conclu sans le dire avec cet argument puisque il le valide : les Achéens sont les Vikings. Il fait un pas similaire en spéculant sur l’identité des Gutis, envahisseurs du nord qui renversent l’empire d’Akkad au 22ème siècle avant JC… et les Goths. Il est fort probable que Vinci pense comme un récentiste mais qu’il ne peut pas le reconnaître trop ouvertement !

Plutarque ajoute que les colons sont arrivés par vagues successives, d’abord le peuple de Cronos, ensuite les compagnons d’Hercule. On remarquera que Héraclès est un personnage antérieur d’une génération à la guerre de Troie que compte Homère, et donc que cette colonisation de l’Amérique est donc également de facto plus ancienne que le récit de l’Iliade.

Les habitations lapones, les tipis amérindiens, ont un arbre au milieu de la maison comme Volsüng, le père de Sigurd dans l’Edda, ou comme Ulysse dans l’Odyssée. Le dieu des morts des aztèques Tlaloc – équivalent de Cronos – est supposé venir du grand nord. Mais on trouverait de nombreuses autres similitudes à travers le monde.

Le monde universitaire ne manque pas de spécialistes du monde indo-européen, qui savent bien les points communs qui existent entre Rome, la Grèce et les sociétés perses ou aryas d’Inde.
L’érudit indien Tilak a déduit des textes des Védas qu’ils faisaient référence à une civilisation arctique. Le mont Mérou ou Soumérou (similaire au nom de Sumer) est le berceau des aryas et se trouve dans le grand nord. Morten Alexander Joramo cite un ouvrage très érudit du 19ème siècle écrit par un certain William Warren et intitulé « From the cradle of the human race », où presque tout vient du pôle nord : même les faunes et flores tropicales !
Il était souvent reconnu que leurs migrations n’avaient pas autant d’ancienneté qu’on le dit parfois. Il est ici probable qu’il faille les dater de la même époque que ces invasions vikings en Europe. On a déjà écrit (cf article précédent) que les Perses de l’Ancien Testament étaient probablement les mêmes qu’on retrouve au 7ème siècle aux origines de l’islam, combattant Byzance. Fomenko repousse encore cette date et il a probablement raison, car les envahisseurs du Nord ne sont pas encore arrivés en Perse au 7ème siècle.
Vinci suggère également une origine nordique pour les Sumériens et les Anciens Egyptiens, même s’il leur assigne une migration plus ancienne encore que celle des Achéens, pour ne surtout pas remettre en cause la grande ancienneté de ces peuples. Mais on a bien trouvé deux bateaux de type viking enterrés à côté de la pyramide de Cheops, et les bateaux par lesquels seraient arrivés les fondateurs du royaume d’Egype (dynastie 0) ont typiquement ce fond plat et les deux proues qu’on retrouve dans les bateaux viking.

Il faut cependant noter que les Védas sont « arctiques », tandis que les textes homériques ne sont que « baltiques ». Homère mentionne déjà, si l’on en croit Felice Vinci, des dieux des origines vivant plus au nord que les achéens et troyens. Jurgen Spanuth a identifié la patrie des Phéaciens, appelée Scheria, à Atlantide et les très nombreuses similitudes entre le récit de Platon et celui de Homère sont très convaincants à cet égard. Mais la terre d’origine des Phéaciens, Hypereie, plus au nord (que Vinci assimile à Pieria, autre lieu cité par Homère mais cette fois dans l’Iliade, et à la Laponie), a déjà été engloutie par les flots une génération avant l’époque que décrit Homère. Certains ont souligné également des parallèles entre Troie et la cité d’Atlantide, mais si on accepte le récit d’Homère, la lutte des « anciens athéniens » contre l’Empire atlante est antérieure d’une génération à la guerre de Troie. Elle est contemporaine de l’expédition des Argonautes. Thésée, fondateur de la confédération athénienne, participe d’ailleurs chez la plupart des auteurs à l’expédition des Argonautes. Héraclès également, et à cette époque, il n’a encore migré nulle part.

On a donc le chronologie suivante :

1) les Atlantes de Cronos , alias les Vikings découvrent le Groënland et l’Amérique. Sous le nom d’Aryas, ils conquièrent la Perse et l’Inde

Il ne serait pas surprenant que les récits de tribus mésoaméricaines rencontrées par Cortès et ses semblables, affirmant une origine « atlante » dans le lointain orient se réfèrent aux mêmes hommes du Nord.

2) Héraclès et Thésée participent à l’expédition des Argonautes, dans le même temps que les « anciens athéniens » combattent l’empire atlante. Vers la même époque sept rois achéens marchent contre Thèbes, et les Lapithes vainquent les Centaures.

Vinci situe clairement la Colchide et la Toison d’or dans le grand nord, mais également Hypereie la terre d’origine des Phéaciens dans le grand nord, et Jurgen Spanuth a clairement identifié les Phéaciens aux Atlantes. Thésée l’athénien ne pouvant pas être partout à la fois, la Colchide est une autre appellation d’Atlantide. Les Sept contre Thèbes et la guerre des Lapithes contre les Centaures sont des guerres contemporaines, où s’illustrent d’autres héros.

3) L’ile principale d’Atlantide disparaît sous les flots. Nausithous (le roi phéacien dans l’Odyssée) migre à Scheria plus au sud. Athènes est victorieuse. Héraclès attaque Laomédon à Troie, qui subit aussi un raz-de-marée.

4) Les grecs d’Héraclès, des Vikings plus méridionaux, colonisent à leur tour l’Amérique. Sous ce même nom d’Héraclès, la Gaule et l’Espagne sont également envahies.

5) La guerre de Troie est menée par les achéens contre les troyens.

Heraclès, cité dans les œuvres d’Homère, et putativement nordique, a beaucoup de similitudes avec le personnage d’Arthur. On trouve un compte-rendu détaillé de ces similitudes dans l’ouvrage d’Emmet Sweeney « Arthur and Stonehenge – Britain’s lost history ». Son contemporain Thésée, présent également lors de l’expédition des Argonautes, a retiré une épée d’un rocher.
Arthur est très probablement dérivé du prénom scandinave Arnthor. Merlin ou Bors a bâti Stonehenge, cependant que c’est Borée ou Bor qui a bâti Asgard.

Les auteurs britanniques Alan Wilson et Baram Blackett font remarquer qu’il y a deux générations, les petits britanniques apprenaient Arthur en cours d’histoire et s’alarment de sa relégation au rang de mythe. Les annales bretonnes et galloises attestent de l’existence de ce roi selon eux. Si nous ne nous fions pas autant qu’eux à ce qu’on peut trouver dans des chroniques, qui ont une fonction politique de légitimation des souverains de l’époque, on peut être assez convaincu par leur récit de la conquête de l’Amérique par le général gallois Arthur, et par les nombreuses pages évoquant la découverte de tribus indiennes blanches et parlant gallois.
Il a été découvert par Anatoliy Fomenko que les chroniques plus tardives des rois anglais sont des copies des chroniques byzantines. Il ne serait pas surprenant que cette propension à usurper le passé de Byzance ait une antériorité. En effet, Wilson et Blackett considèrent que c’est Arthur qui a vaincu et tué l’empereur Gratien à Lyon, et sur la foi de Geoffrey de Monmouth et d’autres sources bretonnes, que certains empereurs comme Magnus Maximus ou le grand Constantin étaient de souche bretonne. Il est en effet très probable que les récits de Rome ou Byzance et ceux de Bretagne évoquent les mêmes personnages, mais il n’est pas certain qu’ils étaient bretons au sens restrictif qu’on leur donnerait aujourd’hui.

Wilson et Blackett ont de véritables haut-le-cœur lorsqu’on suggère que les bretons pourraient être « celtes ». Et en effet, les Celtes ont toujours désigné les Gaulois chez les auteurs classiques. Mais les Gaulois continentaux. La similitude des noms de Gaulois et Gallois n’est probablement pas fortuite. C’est certainement Celtes qui est l’ethnonyme restrictif et Gaulois le plus général, contrairement à l’usage qui est fait de ces termes. On retrouve la racine Gal chez les Gallois, les Gaëls, les Galiciens, les Galates. La transposition en W dans les langues germaniques nous fait retrouver la même racine chez les Valais, les Wallons, ou encore les Valaques de Roumanie.
Les irlandais appelaient les Vikings « Galls », c’est-à-dire « étrangers ». Curieusement, les Welsh (Gallois) sont également les « étrangers » pour les populations d’origine saxonne germanophones. Les suisses romands sont également appelés Welsch par les suisses alémaniques. Pour les irlandais, les Donegals sont les Vikings danois, ce qui signifie « étrangers noirs », les Finegals les vikings norvégiens, c’est-à-dire « étrangers blancs ». Ainsi les Gaëls qui auraient colonisé l’Ecosse et l’Irlande à une période « préhistorique » pourraient également n’être qu’un avatar de ces Vikings. Les Donegals peuvent faire penser aux Tuatha de Dannan, même si habituellement, on considère que ceux-ci représentent une migration plus ancienne. Toutefois leur ancêtre éponyme Nemed est cependant typiquement un des noms d’Héraclès, qui est le meneur des envahisseurs Gals en France. Le Lebor Gabala Erenn considère les Némédiens comme une migration à part et encore antérieure.
Cette différenciation en « blancs » et « noirs » se retrouve chez les Huns, un peuple au cheveux roux, dont l’origine serait nordique.

Ces Gals sont dans les traditions gauloises des migrants venus du nord ou de l’est. A l’instar des Grecs de Plutarque en Amérique, la tradition berrichonne relate une seconde migration, de cimmériens cette fois.
Wilson et Blackett ignorent la tradition gauloise sur les Gals, mais font grand cas des Cimmériens. Ils identifient les Cimmériens avec les dix tribus d’Israël. Après leur déportation en Assyrie, les dix tribus ont été dans « les villes des Mèdes » et parmi les Nations. Par la suite, ils seraient arrivés dans la péninsule du Jutland (Danemark) où ils se sont faits appeler Cimbres, et au Pays de Galles, où ils se firent appeler les Cymris.
Nous ne rejetons pas ces parallèles. Toutefois, les Cimmériens dans l’Odyssée sont un peuple vivant dans le froid et les ténèbres quasi permanentes. Si le récit d’Homère est correct sur ce point, et que les populations du grand nord ont ensuite migré vers le sud, la patrie primitive des cimmériens est située dans le grand nord, et fait souche ensuite dans la péninsule danoise et dans l’ile de Bretagne. Il n’est pas non plus improbable qu’ils aient vécu en Asie mineure. Mais ces Gimmirai mentionnés dans les tablettes d’Assurbanipal trouvées à Ninive sont des envahisseurs venus de Crimée, chassés par l’avancée Scythes, ils ne sont pas autochtones ou issus de Palestine centrale.
Les Cimmériens de Homère sont voisins de la Colchide si la géographie de Vinci est correcte, et leur propension à la conquête en fait des atlantes convaincants.

A l’appui des dires de Wilson et Blackett, on peut ajouter que dans la Table des Nations de la Genèse, Gomer est le premier fils de Japhet. Il est parfois présenté comme désignant les Germains, parfois les « Gimmirai » d’Assurbanipal, « Kimmeroi » d’Hérodote, que nous appelons Cimmériens.
Cependant c’est son fils Ashkenaz qui a séparé son peuple en deux, une partie allant vivre dans les Villes des Mèdes, l’autre en Europe, soit précisément ce qui est dit dans la Bible des dix tribus d’Israël.
La tradition du Berry appelle le héros éponyme Gomer Gallus, fils de Gomer, et l’identifie à Héraclès. Or le seul des trois fils de Gomer à migrer en Europe est Ashkénaz. Ashkénaz désigne donc les Gaulois et tous les peuples assimilés. S’il est Héraclès, les textes homériques identifient sa patrie d’origine au nord de l’Europe.
Toutefois s’il est vrai que les traditions des anglo-saxons les disent descendre des dix tribus d’Israël, c’est le cas d’un grand nombre de peuples à travers le nombre, notamment dans les parties du monde colonisées par les aryas.

Toutefois, si on retrouve bien deux migrations dans les traditions du Berry, celles-ci semblent parfois se confondre en une seule, et parfois être présentées dans l’ordre contraire à celui que nous avons identifié jusqu’ici. Pour eux, les Gals sont arrivés avant les Cimmériens. Il y avait aussi d’autres Gals qui accompagnaient les Cimmériens dans leurs voyages. Mais le nom de Gomer Gallus suggère le contraire. Gallus est le fils de Gomer : les Gals sont issus des Cimmériens. Les Vikings méridionaux sont bien postérieurs aux Cimmériens du grand nord.

Et comme Gomer est aussi le héros éponyme des Germains et Gallus celui des Gaulois, les Gals sont une branche issue des Germains/ Atlantes. Ils sont blancs et noirs, norvégiens et danois, ils sont aussi les Huns blancs et noirs.
Le nom de Wallons pourrait être un autre exemple de la chute d’un digamma initial en grec classique ; ils seraient devenus les Hellènes. Ce sont ces « compagnons d’Héraclès » que Plutarque appellerait « Grecs ». Les mêmes que Wilson et Blackett identifient à la lumière de leurs chroniques nationales comme des « Bretons ».

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